L'USS Chouchou n'était pas seul dans l'espace. Il était poursuivi par un immense objet qui n'était pas composé de titane et de plasma, mais de chair et de sang. Cet objet était immense, il faisait plus de 4000 m de long. D'abord venait de longues antennes effilées, puis une tête de cauchemar, garni de longs appendices incisifs. Suivait un corps recouvert d'une carapace indestructible. Ensuite venait une longue queue aux muscles puissants, qui permettait à l'animal aussi bien vitesse qu'endurance. A bord de l'USS Chouchou, l'alerte rouge était sonnée, et la panique commençait à ronger les officiers de l'intérieur.
- Chef Ingénieur Tapadamis, j'ai besoin de la puissance maximale, maintenant ou jamais !
- Au secoooours ! gémit l'intéressé par l'intercom, je savais bien que je n'aurais pas du accepter ce poste !
En effet, Tapadamis venait tout juste d'accepter de nous rejoindre sur l'USS Chouchou, après de nombreuses conférences de paix. Notre Président ChouChouBoy 1er l'avait alors nommé chef ingénieur du vaisseau. Pour sa première croisière, on pouvait dire qu'il était gâté.
- Capitaine, la langoustine nous rattrape, fit l'Officier en Second Markus. Oh, Mon Dieu, elle nous a mangés ! ajouta-t-il peu après.
- M. Poussin, essayez de nous faire ressortir.
- Impossible, Capitaine, le courant est bien trop fort. Nous disloquerions le vaisseau.
- Dans, ce cas-là, demi-tour vers l'œsophage, nous allons chercher une autre sortie.
- Officier Markus, pensez-vous que les sucs gastriques puissent endommager la coque ?
- Rien ne me permet de l'affirmer, mais c'est une hypothèse à considérer sérieusement.
- Très bien, Officier Bibi, préparez-vous à nous ouvrir une sortie à travers la paroi du tube digestif.
- Oui, Capitaine, et aussitôt, les phaseurs s'activèrent, déchirant les chairs intérieures de la langoustine. Le vaisseau s'engouffra immédiatement dans la brèche et se retrouva près du cœur du monstre.
- Officier Poussin, dirigez-vous vers la cuticule.
- Impossible, même ici, il y a de très forts courants. Le compensateurs d'inertie sont à la limite de la surcharge
A ce moment précis, un grondement sourd se fit entendre, et tous les officiers se retrouvèrent projetés à l'autre bout de la passerelle.
- Ca y est Capitaine, ils ont lâché.
- Des blessés ?
- Capitaine, c'est Tuor, il est mort !
- Je vous jure que sa mort sera vengé dans le sang de ce monstre, gronda avec fureur le Capitaine. Officier Poussin, où sommes nous maintenant ?
- A la base d'une des deux grandes antennes, Capitaine. Le flux du cœur auxiliaire nous y précipite.
- Suggestions, M. Markus ?
- Oui, Capitaine, tirez sur les membranes articulaires, Officier Bibi.
- Oui Monsieur, avec grande joie !
Les membranes explosèrent et un grand trou fut crée par où le vaisseau put sortir. L'équipage put alors voir que l'antenne avait été littéralement coupée en deux. Ce qui était loin d'apaiser la colère de la langoustine. D'ailleurs, un vieux mâle avait vu ce qui était arrivé et fonçait sur eux, fermement décidé à venger la perte de l'antenne de sa dernière conquête féminine.
- Capitaine, je reçois un message de la Flotte fit soudain l'Officier des Communications Chen Li, ils ont bien reçu notre S.O.S. et ils arrivent.
- Cette aide tombe à pic. Transmettez à toute la flotte : Feu à volonté sur les crustacés !
Un déluge de feu s'abattit alors sur les monstres, mais ils semblaient s'en soucier autant que de la vieille chaussette de Martin Dupont. Mais par contre, la vue des vaisseaux sembla les agacer sérieusement, car ils foncèrent sur la Flotte, visiblement dans le but de la réduire en coprolithes...
Nous étions désespérés, lorsque l'Officier en Second Markus eut visiblement une idée. Il regarda Bibi et lui dit :
- Il parait qu'un jour, tu m'as traité d'anus vivant ?
- C'est peut être pas le moment, répondit-il, terrorisé (par Markus, ou par les langoustines, nul ne le saura jamais...)
- Oh que si...
Il prit Bibi par la peau du cou et disparut dans le turbo*ascenseur. Je l'appelais alors pour essayer de comprendre ce qu'il faisait.
- Markus, que fais-tu ?
- N'ayez crainte, Capitaine, j'ai une idée pour nous sauver tous. A mon signal, lancez la Torpille à photons que je prépare.
- Bien compris, je vous fais confiance
- Maintenant, cria-t-il quelques secondes plus tard.
Nous vîmes la traînée de la torpille fendre l'espace jusqu'au telson de la langoustine la plus proche. Là, elle se ficha dans l'anus de l'animal. Celle-ci parut aussitôt se sentir mal : elle eut des spasmes au niveau des antennes, agita ses yeux en tous sens et changea plusieurs fois de couleur.
- J'avais raison, Capitaine, ces monstres ne peuvent se bibimorphiser, contrairement à nous. Ce qui peut apparaître comme un avantage est en réalité un défaut grave, car il entraîne la mort... Il ne nous reste plus qu'à envoyer Bibi dans toutes les langoustines.
- Vous n'avez tout de même pas enfermé l'Officier Bibi dans cette torpille ?
- Si, Capitaine.
Ma mâchoire inférieure s'abaissa tellement qu'elle se décrocha sous l'effet de la surprise et ChouChouBoy 1er fit un plaquage à Oona pour éviter qu'elle ne la mange. THL 1138 eut l'amabilité de me la ramasser et Oona put être relâchée, mais elle mordit les chevilles de ChouChouBoy 1er pour se venger. Tout revint à l'ordre et je trouvais une réponse :
- Je vous félicite pour cette idée originale.
- Merci, Capitaine
Nous détruisîmes alors le banc langoustine après langoustine jusqu'à ce qu'il ne reste plus que des débris de carapace flottant dans l'espace. Ce fut loin d'être facile, car chaque mort les rendait plus furieuses et plus déterminés à nous détruire. Ce fut la seule fois ou nous regrettâmes de ne pas avoir plusieurs Bibi ! Nous récupérâmes alors la torpille de Bibi pour le délivrer de son sarcophage de titane. Je me précipitai alors dans le hangar pour savoir s'il avait survécu. Tapadamis était en train d'ouvrir la boite, fou d'inquiétude. Je l'étais d'ailleurs aussi, car on ne sait jamais, il pouvait y avoir d'autres langoustines. Mais je vis avec soulagement qu'il semblait en pleine forme. Il se redressa et sortit de sa capsule, un grand sourire sur les lèvres.
- On recommence ? nous dit-il alors, on ne peut plus sérieux.
Nous éclatâmes alors de rire, et nous retournâmes sur Terre, afin d'y déguster un grand festin en l'honneur de notre victoire. Et devinez ce qu'il y avait dans le menu...
Des plateaux de crustacés !