Un grand disque blanc de quatre kilomètres de diamètre apparut soudainement dans l'espace local du système de Papès. La proue d'un grand vaisseau stellaire apparut en son centre, suivit lentement par le reste du bâtiment. Des éclairs crépitaient tout le long de la coque tandis qu'elle sortait de l'hyperespace. Une fois la totalité du vaisseau de retour dans l'espace normale, le disque blanc disparut lentement, se délitant comme de la fumée. La grande nef spatiale glissa alors lentement et majestueusement au milieu de la Flotte Spatiale de Papès, narguant orgueilleusement les officiers supérieurs, qui serraient les dents sur leurs passerelles respectives. Sa proue effilée, ses nombreux canons, sa coque flamboyante, ses rampes de lancements de chasseurs, sa tourelle de commandement élancées, ses quatre réacteurs jumeaux, tout ces détails défilaient sous leur yeux, sans qu'il puisse faire quoique ce soit.
- Ils ne rateront donc aucune occasion de nous humilier, dit justement tout haut un de ses officiers.
- Soyez plus prudent vos paroles, capitaine. Les temps ont changé.
- Comment osez-vous me donner un ordre ?
- Je m'excuse, je n'ai pas voulu donner cette impression. Je désirais juste vous donner un conseil, en tant qu'officier en second et en tant qu'ami. Je convoite une promotion certes, mais pas une qui me ferait marcher sur votre cadavre.
- Pardon de ce mouvement d'humeur. Ta loyauté à mon égard ne fait aucun doute.
Cependant, le grand vaisseau vint se positionner devant les grands docks de la Station Chlewesser, la plus grande base spatiale en orbite autour de la planète. Il se gara lentement dans un des emplacements diplomatiques, et un tube de connexion vint établir une jonction entre la station et la soute avant du vaisseau.
- C'est à notre tour, dit un papèsien à bord de la station en regardant le tube de connexion s'ouvrir devant lui.
Accompagné de sa délégation, il se dirigea à pied vers l'intérieur du vaisseau. Une fois passée la soute, ils se retrouvèrent immédiatement dans un vaste ascenseur qui les fit monter de quelques niveaux, jusqu'au centre du vaisseau. Les portes s'ouvrirent et ils découvrirent avec stupeur un immense corridor, haut d'environ quinze mètres, et courant visiblement sur une grande partie de la longueur du vaisseau. Si la décoration de l'ascenseur leur avait déjà parut luxueuse, ce n'était rien face au spectacle qui s'offrait désormais à leurs yeux. Le sol était de marbre rose, les murs lambrissés de bois précieux décorés de subtiles marqueteries, les luminaires étaient de cristal. Le plafond était peint d'une vaste fresque lyrique rappelant le travail de Chagall pour l'Opéra Garnier.
- Tout ça… Dans un vaisseau spatial ?
- De combat ?
- C'est impensable.
Ils finirent par réaliser qu'ils se tenaient immobiles, la bouche grande ouverte comme et poisson rouge et réussirent à se ressaisir. Ils reprirent donc leur marche, ouvrant de grands yeux à droite et à gauche. De chaque coté se trouvait une garde d'honneur pour accueillir les diplomates, mais on pouvait quand même voir les boutiques se situant de part et d'autre de la Promenade. Restaurants variés, boutiques de vêtements, de bijoux, d'objets d'arts ou magiques, de livres… Il y en avait trois niveaux, et tout était incroyablement luxueux et raffiné. Rien d'ostentatoire, aucune trace de ce luxe de nouveau riche étalant leur mauvais goût sans retenue. Chaque élément semblait avoir été lentement conçu et fabriqué par un artisan amoureux de son travail, et l'harmonie qui émanait de l'ensemble était un bonheur pour les yeux.
- Comment diable ont-ils eu l'argent pour tout ça ?
- J'ai peur de le savoir.
Ils arrivaient cependant au terme de l'interminable corridor. Un majestueux escalier se dressait devant eux, qu'ils montèrent lentement, admirant les sculptures qui décoraient la rambarde. Après un virage à 180°, l'escalier continuait encore de quelques marches, puis se terminaient devant une grande porte en chêne massif.
- Nous sommes arrivés… La passerelle.
- Courage, Votre Altesse. Nous sommes tous avec vous.
- Merci…
Les deux battants jumeaux de la porte s'ouvrirent lentement, dévoilant une grande passerelle circulaire. Tout le plafond était une immense verrière dévoilant le ciel étoilé.
- Curieux, pensèrent plusieurs des Papèsiens. On est déjà en haut du vaisseau ?
Ils s'avancèrent prudemment, s'efforçant de faire bonne figure. Le siège du Capitaine était tourné à l'opposé de l'avant du vaisseau, vers eux. Ce dernier se leva, les regardant avec un sourire à la fois bienveillant et inquiétant. Il fit quelques pas pour se placer juste devant le chef de lé délégation et pris la parole.
- Grand Consort de Papès, au nom du ChouChouLand, je vous souhaites la bienvenue au sein du vaisseau stellaire USS Yggdrasil.
Et il sortit son katana de son fourreau avant de le brandir au-dessus du Grand Consort, qui s'étrangla de surprise à cette vue.
Une fois arrivé en vu de l'USS Yggdrasil reposant dans son cerceau de chantier, l'équipage de l'USS Lellig ne perdit pas de temps et se téléporta. La nouvelle passerelle, circulaire et bien plus grande, les attendait. Chacun se mit à son poste, tout en enlevant les housses de protection et les plastiques autocollants de protection, histoire de ne pas voir les écrans tout flous.
- Transfert du personnel terminé, annonça Chen Li. Nous sommes prêts au départ.
- Parfait, dit Milvus. Activez le moteur séphirothique !
- A vos ordres.
Le vaisseau tout entier se mit à vibrer de façon à peine perceptible, tandis que la formidable puissance de son moteur mixte technologie/magie/divin se mettait en branle.
- Sphère Malkut… enclenchée !
Les vibrations montèrent d'un cran, les rendant nettement perceptible, quoique faiblement par tous, mais l'équipage resta tranquille.
- Sphère Yesod… enclenchée ! Sphère Hod… enclenchée !
Les différents composants du moteur furent activés les un après les autres, provoquant à chaque fois une montée en puissance de la vibration. Il créait désormais un grondement grave qui se faisait entendre dans tout le vaisseau.
- Sphère Netzach… enclenchée ! Sphère Tipheret… enclenchée ! Sphère Geburah… enclenchée ! Sphère Chesed… enclenchée !
- Tout se déroule normalement. Tous les indicateurs à la puissance nominale.
Les vibrations devenaient presque insoutenables, et chacun faisait attention à ne pas se mordre la langue.
- Sphère Binah… enclenchée ! Sphère Chocmah… enclenchée ! Sphère Kether… enclenchée !
La vibration s'arrêta d'un seul coup une fois toutes les sphères enclenchées. Milvus se leva alors, releva sa main droite vers son oreille, et du doigt, pointa l'espace droit devant tout en redescendant son bras à l'horizontale :
- USS Yggdrasill, hashiin !
Le vaisseau sortit alors à toute allure des chantiers navals de Hypérion, créant un vortex hyperspatial pour y plonger tout aussi vite. En quelques secondes, il se retrouva de l'autre coté, arrivant juste devant la flotte ennemie. Il était donc là sur le champ de bataille bien avant tout autre vaisseau humain du secteur. Il vira de bord brusquement pour faire face aux vaisseaux Papèsiens et Qlo'o'us et se rapprocha d'eux à toute vitesse. Il stoppa brusquement, déployant ses ailerons en position de combat.
- Officier Chen Li, ouvrez un canal avec l'ennemi.
- A vos ordres.
- Ici l'Amiral Milvus de la Flotte de Défense du Secteur de Sirius, dit-il de son ton le plus poli et le plus… amical. Veuillez-vous identifier, je vous prie.
- Ils ne répondent pas.
- Ils nous tirent dessus, fit T-Citron. Je détecte 25 missiles verrouillés sur le vaisseau et qui fonce sur nous.
- Activez le bouclier !
- Les missiles ont été anéantis par le bouclier.
- Forces Papèsiennes et Qlo'o'us ! Ceci est notre ultime sommation. Veuillez cesser toute activité hostile ou vous retirer de notre espace local.
- Vous ne nous faites pas peur ! Vous n'avez ici qu'un seul vaisseau à nous opposer. Vous n'avez aucune chance.
- Vous êtes fous ! Nous n'avons rien contre vous. Mais nous savons que vous êtes manipulés par d'autres. Cette bataille n'a aucune raison d'être.
Les Papèsiens et les Qlo'o'us semblaient gênés par cette dernière déclaration. Mais ils n'acceptèrent pas pour autant la proposition de Milvus.
- A mon avis, fit Ori, ils n'ont pas l'air de vouloir écouter.
- Tant pis pour eux alors….
Et il fit signe de couper la communication
La gigantesque flotte ennemie continua d'avancer droit sur les mondes humains les plus peuplés, ignorant la présence de l'USS Yggdrasill. Il est vrai à leur crédit, que bien que splendide, le nouveau vaisseau ChouChouLandais n'avait pas l'air de taille à se mesurer à telle flotte.
- Activez le système Diamond Eye, ordonna Milvus.
Un grand compartiment conique arrondi s'ouvrit alors à la base de la proue du vaisseau, laissant entrevoir un grand cristal allongé de cinquante mètres de long, recouvert d'un réseau complexe de fils métalliques brillants.
- La flotte ennemie avance toujours.
- Tirer un coup de semonce avec les turbolasers conventionnels.
- A vos ordres !
Deux batteries pointèrent sur deux vaisseaux ennemis et firent feu, neutralisant leur propulsion sans endommager quoique ce soit d'autres. Un nuage de feu entoura alors l'USS Yggdrasill tandis que tous les vaisseaux de toute la flotte ennemie tiraient sur le vaisseau ChouChouLandais.
- On a gagné ! fit le Très Grand Amiral Sèdèhanlerr, qui commandait les vaisseaux Papèsiens.
Mais le nuage de débris de missiles et de gaz ionisés se dissipa peu et à peu, et tous virent que l'USS Yggdrasill était intact. Pas un seul tir, qu'il soit à projectile physique ou énergétique, n'avait traversé le bouclier.
- Impossible !
- Paré à tirer dans cinq secondes, continuait la voix de Ori sur une fréquence non cryptée.
Un silence effrayant s'était installé sur la passerelle ChouChouLandaise tandis que le compte à rebours final s'égrenait lentement. Puis il arriva à zéro et l'ordre fut lancer de tirer.
- Feu !
Un rayon d'énergie partit du cristal, se dirigeant vers la flotte d'envahisseurs. Il se divisa vite en deux, puis en quatre, etc. jusqu'à ce que le nombre de rayons fut trop grand à compter pour un humain. Chacun des rayons transperça proprement un vaisseau, endommageant gravement ses moteurs et son armement, sans faire d'autres dégâts. La flotte entière se retrouva immobilisée et incapable d'attaquer en quelques secondes.
- Nous avons gagné, fit ChouChouBoy, avec un petit sourire sadique.
- Quoi ? Déjà ? fit Hébus.
- Ouais, dit Ori. C'est pas de la merde ce vaisseau.
- On va les écraser ! fit Hébus en se pourléchant les babines.
- Ah non, ça on a pas le droit. On est des pacifiques, je te rappelle. Personne ne va mourir.
- Un troll pacifique, grogna Hébus, fort dépité. On m'aura infligé tous les sévices.
Cependant, ce n'était pas tout d'avoir gagné.
- Passez-moi les deux commandants ennemis, fit ChouChouBoy.
- A vos ordres.
- Messieurs, comme vous pouvez le constatez, vous êtes à notre merci. Je vous suggère donc de vous rendre.
- Jamais ! fit le commandant Qlo'o'u. Vitesse d'éperonnage ! ordonna-t-il.
- Heu… On n'a plus aucun moyen d'avancer, fit son second.
- C'est la fin, fit le commandant Qlo'o'u, ses tentacules devenant tous pâles.
Les deux flottes abandonnèrent donc toute velléité d'invasion des mondes humains, à la fois terrorisées devant la puissance du ChouChouLand, et infiniment soulagés de repartir vivant de cette désastreuse campagne. Le ChouChouLand allant même jusqu'à réparer leurs moteurs (mais pas leur armement…).
- Bon, ben il reste plus qu'à plier bagage et préparer le festin pour la fin de cette aventure, proposa Tuor. J'ai une réserve d'Ice Tea à écouler, moi !
- Je crains qu'il ne soit quelque peu prématuré de crier victoire, fit Calimsha.
- Hein ?
Tout le monde se retourna vers les deux flottes ennemies, et vit trois énormes vaisseaux larges de quelques UA, noirs et rouges, d'apparence étrange et hideuse, se positionner au-dessus des formations des Papèsiens et des Qlo'o'us.
- Qu'est ce que c'est que ça ? fit Hébus.
- Des vaisseaux-mondes de Démons Majeurs déchus, fit Tsunami, l'œil brillant d'excitation. La baston va pas manquer de piquant, je crois, là !
L'apparition de ces trois nouveaux ennemis avait jeté un froid parmi les ChouChouLandais. Avec de telles créatures comme adversaires, leur beau vaisseau tout neuf ne servirait à rien. Les ailerons de combat se rétractèrent, et le vaisseau se mit en panne.
- D'où diable sortent-ils ?
- Cela me semble pourtant évident, dit Tsunami. Nous savons tous que ce sont les Xyvagagariens qui sont les vrais responsables de cette tentative minable d'invasion de notre espace.
- Ah bon, firent de nombreux ChouChouLandais, qui n'avaient rien compris.
- Ils leur ont fourni quelques gadgets technologique de classe V, ce qui expliquait nos surprises durant la première bataille. Mais ils étaient obligés de leur fournir aussi quelques éléments de combats magique et divin : ces trois mercenaires.
- Comment des Démons Majeurs peuvent-ils être des mercenaires ? demanda Kiko.
- Très simplement, dit Soso. Ils ont étés virés de leur job, déchus. Ce qui les rend sans foi ni loi, donc très dangereux et imprévisible. Comme Tsu autrefois, ajouta-t-il.
- Oui, faudra que tu nous raconte ça à l'occasion.
- Une erreur de jeunesse… protesta l'Ange Majeur.
- Mouais…
- Si vous voulez, je vous raconte tout… fit une voix féminine.
- Aphraelle !
- Par où es-tu arrivée ? demanda Soso. Le plafond est encore intact !
- J'ai pas eu le cœur à casser votre beau plafond tout neuf, alors j'ai décidé de jouer la discrétion.
- Mouais, un peu trop discret à mon goût, fit Tsunami. Je n'aime pas que tu surgisses dans mon dos comme ça.
- Dis plutôt que tu as peur que je révèle ton passé.
- Nooon ! Tout mais pas ça !
- Bien, dans ce cas là, je te suggère d'aller nous débarrasser de ces trois affreux zozos. Milvus, Soso, ça vaut aussi pour vous !
- A vos ordres, patronne !
Et les trois Anges Majeurs, accompagnés de leur Déesse disparurent, partant sûrement casser du Démon renégat.
- Bon on fait quoi nous ? demanda Hébus.
- On attend… fit Kettch. Glander, c'est pas compliqué !
- Gottferdom ! Je veux de la baston !
Comme si les trois Démons Majeurs mercenaires l'avaient entendu, une alerte rouge se déclencha soudainement à bord de l'USS Yggdrasill.
- De nombreux démons mineurs et moyens se matérialisent à bord du vaisseau ! fit Chen Li.
- Activez le bouclier sacré ! ordonna ChouChouBoy.
- Bouclier activé ! Aucun nouveau démon ne peut pénétrer le vaisseau. Mais ceux qui sont déjà là ne peuvent sortir.
- Merde, on a des rats sur le navire.
- Huk huk huk… fit Hébus.
- Officiers, c'est l'heure d'aller casser du démon ! déclara le président.
Toute la petite troupe se déplaça dans l'armurerie du vaisseau la plus proche de la passerelle. ChouChouBoy appuya sur un bouton et une immense armoire de rangement de quelques mètres de long s'ouvrit, dévoilant tout un éventail d'armes blanches, de taille plus que diverse, du petit couteau de jet pour hobbit femelle à la poutre de gratte-ciel aiguisée, pour balrog atteint de gigantisme pathologique.
- Bon, ces putains de démons sont des créatures très chiantes. On peut les avoir qu'avec des armes physiques bénies par la Déesse ou de la magie de haut niveau. Donc je vous conseille ces diverses armes à découper la viande…
Il désignait de la main l'armoire ouverte
- … ou des armes à feu de bourrin, avec les "munitions" adéquates.
D'un geste de la main, il ouvrit une autre armoire, qui occupait également tout un mur, et renfermait un assortiment de pistolets, revolvers, mitraillettes, bazookas…
- Chacun prend ce qu'il veut et essaie de pas tuer de membres d'équipage.
- Je tiens à préciser, dit Ori, que la coque et les cloisons étanches du vaisseau étant en alliage béni, on peut tirer dessus tant qu'on veut, ça ne les abîmera pas. Les tuyaux de plasma, de gaz, de DNT, etc… sont dans le même cas. Mais le mobilier et les cloisons normales ont une résistance à la destruction parfaitement classique. Tachez de pas faire trop dans le destroy…
- OK !
Chacun prit donc tout un tas d'armes selon ses prédilections, et de généreuses rations de munitions. Petites armes planquées dans les godasses, les vêtements et autres endroits improbables, armes de taille moyennes disposées à la ceinture ou sur les bras, grandes armes passées à l'épaule ou rangées dans le dos, tout le monde quitta l'armurerie avec à peu près son poids en outils d'extermination de nuisibles. Heureusement que les armures de combats légères de la flotte étaient équipées de cellules anti-g…
Pavel, Calimsha et Kiko étaient partis ensemble et s'étaient retrouvés dans la salle des machines. C'était un immense espace de 250m de long, 30m de haut et 80m de large, d'un seul tenant, et qui contenait les dix sphères du moteur séphirothique et les trente-deux conduites de transfert énergétique. Un labyrinthe de passerelles suspendues permettait à l'équipage de se déplacer pour la maintenance et les réparations. A leur grande déception, le tout était infesté uniquement de goules semi-sentientes et de gobelins attardés qui erraient sans but. Ils trucidaient au passage quelques geeks pas très fufus mais ne semblait pas une grande menace.
- Que de la piétaille… soupira Calimsha le technomancien. Putain, ils se cachent où les boss de niveau ?
- On va se contenter de ça pour le moment, fit Pavel en sortant son katana.
La lame de ce dernier, bénie par des larmes de la Déesse, rayonnait d'une lumière bleu clair intense en raison de la présence de tant de démons, même de bas étage.
- Hiten Mitsurugi ChuuChuu !!! cria Pavel en découpant quatre ou cinq goules d'un seul coup.
- Je ne peux me servir de ma lance à énergie. Je suis profondément frustré, fit Kiko.
- A voir ton air stoïque, on dirait pas, fit Calimsha.
Kiko était en effet en train d'éliminer goule sur goule avec son efficacité méthodique que tout le monde lui enviait. Il ne cessait de jouer du bâton, frappant les démons au ventre, à la tête, au cou, à la nuque, avant de les balancer par-dessus les rambardes. Cependant, un démon un peu plus intéressant à castagner fit son apparition et Calimsha joua des coudes pour se l'accaparer. La peau verte, les yeux violets, les ongles rouges, les cheveux roses, avec des cornes brunes, striées de jaune vif et des pustules orange sur le visage, il n'était guère beau à voir. Sa simple vue faisait loucher et donnait mal au crâne.
- Aujourd'hui, j'ai envie de m'improviser chirurgien esthétique.
Et il brandit son bâton de mage vers son adversaire, projetant du fluide magique à haute densité sur lui. Les anneaux pendus à l'Atomium miniature qui faisait office de pommeau lançaient des étincelles en s'entrechoquant. Mais la fulgurante attaque de l'entropiste rata le démon et alla frapper une des sphères de vingt mètres de diamètre du moteur. Heureusement, celle-ci était inaltérable grâce à la bénédiction de la Déesse, sinon le vaisseau aurait explosé (avec une bonne partie de la galaxie…).
- Merde, l'enfoiré ! Il est rapide
Et il enchaîna les attaque de magie de contrebande, pulvérisant de nombreuses passerelles, des poutres, des consoles de maintenance… Mais le démon sautait d'un endroit à un autre, comme se moquant de son adversaire.
- Putain mais il fait chier !
Calimsha activa alors un sortilège d'accélération, qui lui permit de se déplacer en un temps subjectif vingt fois plus lent. Il semblait donc se mouvoir vingt fois plus vite aux yeux du démon, qui n'eut même pas le temps de comprendre ce qui se passait avant d'être transformé en méchoui.
- Et voilà !
T-Citron de son coté, n'écoutant que son courage, était aller protéger avec sa hache à double tranchant l'endroit le plus stratégique du vaisseau, là où de nombreux démons parmi les plus dangereux s'était regroupés : son bar, le Fût sans fond. Situé sur la Promenade, à un endroit stratégiquement placé pour attirer un maximum de clientèle, il n'était même pas encore ouvert qu'une rixe y avait démarré.
- Enfer ! Ils sont en train de s'attaquer aux distributeurs !
Sa hache dans le dos, il dégaina ses sachets de thés jufus les plus dangereux, et fonça dans le tas, suivi de son fidèle Bagage. Ils trouvèrent vite une technique adéquate à la situation qui consistait à immobiliser le démon pour lui coller un jufu sur le front. Le bagage se chargeait de la première opération en se saisissant des jambes de sa pauvre victime, et T-Citron n'avait plus qu'a coller son sachet de thé sur le démon, comme s'il affranchissait un colis. Puis une fois le démon ainsi paralysé, il le découpait en morceau à la hache.
- Mouhahaha ! Vous ne m'échapperez pas, sales gobelins !
Voyant que malgré ses menaces, quelques-uns essayaient quand même de fuir, il lâcha une meute de distributeurs de boissons chaudes spécialement dressés. Equipés de lance à haute pression, ils prirent la masse des démons (en fait surtout des onoscèles) pour cible avec diverses substances brûlantes et corrosives dont la composition exacte était caché bien à l'abri dans le Bagage.
- Héhé ! Ils sont criblés de trous comme des filtres à café, dit T-Citron en ricanant.
Il se penchait sur les cadavres des démons, qui effectivement évoquaient, selon la personne qui regardait, du gruyère, un ticket de métro poinçonné par un contrôleur ayant abusé de substances, une éponge géante, une grille de calandre de voiture design, ou toute autre chose pourvue de petits orifices circulaires en quantité déraisonnable.
- Je crois qu'ils ne reviendront pas de sitôt !
- Erreur ! fit une voix dans son dos.
T-Citron se retourna et vit un énorme démon dont la laideur était peu crédible mais belle et bien réelle. Il ajusta sa prise sur sa hache et demanda :
- Qui es-tu ?
- Je me nomme Asparagus ! Je vais te tuer !
- C'est un nom ridicule que tu as !
- Oui je sais. C'est pour ça que je vais te tuer, pour prendre ton nom.
- C'est une idée encore plus ridicule. Et je n'ai pas envie que tu me voles mon nom.
- Désolé, mais l'État Civil des démons ne m'autorise à prendre le nom que de quelqu'un que j'ai personnellement tué.
- C'est bien la première fois qu'un démon veut me combattre pour une telle raison.
- Faut une première fois à tout… Mais ce sera aussi ta dernière fois ! Mouhahahaha !
- Tu parles trop ?
- Hein ?
- Regarde derrière toi.
Asparagus accepta ce conseil et se retourna pour voir une chose en bois lui sauter dessus à une vitesse inhumaine. Le Bagage s'était approché en douce du démon et le dévora en moins d'une seconde.
- Parfait… fit T-Citron en caressant le Bagage comme un jeune chien.
Juste à coté se trouvait Kettch qui, équipé d'un FAMAS, se défoulait sur tout ce qui bougeait. Les démons avaient beau se cacher ou essayer de sauter sur l'ewok par tous les moyens, il les alignait les uns après les autres. La langue pendante, il vidait son chargeur de plus en plus vite, récupérant après coup les crânes de ses victimes pour le concours perpétuel avec le troll.
- Yub Yub ! Jamais cet imbécile de Troll ne battra mon record.
Sautant par dessus la rambarde du 1er étage de la Promenade il atterrit dans un des arbres décorant la galerie commerciale et utilisa ce perchoir stratégique pour faire un véritable massacre parmi les intrus. Mais le pire était à venir… Un petit groupe de démons Bhair'shebas se retrouva acculé par hasard devant la boutique de l'ewok (vente et réparation de sabre laser) et cassa la vitrine pour s'y réfugier.
L'ewok poussa alors un cri de guerre qui fit frémir sur place tout le monde, démons comme ChouChouLandais. Se digivolvant en wookie, il fit un bond prodigieux de quinze mètres de long pour les attaquer. Il vida un chargeur complet sur eux, remplissant de métal ce qui leur servait de crâne tout en affichant un air de psychotique peu engageant. Quand il en eut finit avec les Bhair'shebas, il se retourna vers la Promenade et proclama.
- Y a encore des candidats au suicide ?
Mais même les goules les plus stupides avaient compris que rien ne pouvait se mesurer à l'ewok. Un seul démon resta donc, un bâtard de balrog et de chauche-poulet, borgne et recouvert de pustules.
- Je vais te tuer, chien ! fit ce dernier.
- Prétentieux ! hurla Kettchewbacca, se précipitant sur son étrange adversaire, un FAMAS dans chaque main.
Il sauta par dessus la rambarde du 1er étage, dans un superbe plongeon acrobatique tête en bas, mais ses deux armes pointés vers le démon. Il vida ses deux chargeurs dans cette position, avant même de toucher le sol. Les soixante balles en alliage d'argent et de platine béni par la Déesse touchèrent le démon dans toutes ses parties vitales et il poussa un cri de douleur tandis que les métaux redevenaient liquides pour se mêler à son sang et le faire bouillir. Ses vaisseaux explosèrent les uns après les autres, projetant un fluide noir et visqueux ainsi que des morceaux de chaire verdâtre de putréfaction un peu partout sur le sol, les murs et les plantes vertes de la Promenade. Le démon finit par exploser totalement, et se transforma en une flaque informe de résidus organiques hautement toxiques.
- Va te faire baiser chez Lilith, connard !
Cependant, dans une autre partie du vaisseau, où se trouvaient les cabines de l'équipage, des démons un peu plus intelligents que les autres, donc un peu plus intéressants à combattre, essayaient de s'y adonner au pillage. Mal leur en pris, car Hébus, Farf et Ori s'y trouvaient aussi. Découvrant que leurs harems étaient menacés par des incubes, ils devinrent fous de rage et se mirent à rêver de steaks tartares de démons.
- Gottferdom ! Pas touche à mon chez moi !
Hébus déboula dans sa cabine qu'il venait à peine de finir de décorer pour voir que son thème "Troy primitive et mouches raffinées" était saccagé par un djinn qui cherchait l'entrée secrète du harem.
- Viens par ici, mon tout beau, fit Hébus en caressant son gourdin de pommier magique incrusté de dents de métal béni par Aphraelle.
- Grrghr xxxllgggg ! hurla le démon en se jetant sur le troll comme un forcené.
- A tes souhaits, fit Hébus en frappant son adversaire d'un magnifique swing de golf qui le fit voler à travers la pièce. Il atterrit sur le tas de verdure fermentée qui servait de lit au troll. Il se releva aussitôt, malgré la grande balafre sanguinolente qui défigurait désormais sa joue gauche.
- Wohohohohoho ! Tu sais te battre toi, fit le djinn.
- C'est un euphémisme, tu devais être bien mal renseigné sur moi.
Hébus brandit à nouveau sa massue pour finir ce qu'il avait commencé, mais le djinn ne se laissa pas faire et sortit un grand cimeterre richement décoré qu'il utilisa pour bloquer la massue.
- Gottferdom !
- Comme tu dis…
Hébus sauta d'un pas en arrière pour se dégager, et essaya d'acculer le démon dans un coin de la pièce. Mais le démon ne se laissait pas faire et un superbe combat d'escrime acharné commença, certes peu conventionnel dans les armes et les techniques, mais absolument passionnant pour le spectateur assez suicidaire pour les regarder sans fuir. Le cimeterre du djinn virevoltait dans les airs, coupant au passage le mobilier. Hébus, voyant son baldaquin de dentelle d'araignée s'effondrer, poussa un long hululument qui fit exploser un vase étrangement décoré destiné au pot-au-feu d'ennemis vaincus.
- On ne touche pas à mes instruments de cuisine.
Et il abattit sa massue avec une force telle que le cimeterre se brisa net, le morceau cassé allant se planter dans une statue grandeur réelle de Tetram, en bois et peinte en rouge. Le djinn sauta en arrière comme un lapin et vit avec horreur la massue lui arriver droit dessus. Il l'évita de justesse, non sans recevoir un violent coup à la main droite qui la pulvérisa.
- Huk huk huk !
Serrant son moignon écrasé et informe, le djinn continua à esquiver les attaques du troll tout en cherchant une arme. Mais avant qu'il n'en ai eut le temps, la massue le toucha de plein fouet au visage, explosant une de ses orbites. L'œil jaillit comme un obus et alla s'écraser sur une des peintures qui ornaient les murs, une nature morte. Le démon s'effondra alors à terre, définitivement hors de combat. Hébus ramassa néanmoins son adversaire vaincu et continua à le frapper de sa massue.
- Il vaut mieux attendrir la viande quand elle est vivante, ça donne plus de goût !
Il ne cessa donc de frapper que quand les cris de douleurs furent totalement terminés. Il balança alors le corps tout flagada dans son garde-manger et sortit se chercher un autre adversaire en sifflotant.
Juste un peu plus loin au même niveau, Farf était tombé nez à nez avec une créature lubrique qui désirait ardemment corrompre les elfettes de son harem privé : une sindongmas lesbienne dont la tenue provocante déstabilisa un moment notre pauvre farfadet. Mais il se reprit vite, menaçant son ennemi avec la Grosse Paulina.
- Et pas de plus et j'aplatis ton joli corps parfait avec tout ce métal bien lourd !
- Comme tu es cruel, vouloir me faire rendre toute boulotte ! C'est méchant !
La succube tibétaine prit alors un air lascif, mais Farf pointa son arme sur elle et essaya de la frapper avec la chaîne. Mais cette dernière sauta sur le coté, esquivant adroitement cette première attaque.
- Tu sais que tu es mignon quand tu t'énerves. Que dirais-tu si tu nous rejoignais ? Je sais que tu es un farfadet, et au milieu de moi et de mes semblables, tu aurais un succès très enviable.
- Désolé, je préfère mes elfettes.
- Mufle ! fit la sindongmas, soudain en colère.
Elle lui jeta à la figure un foie de bœuf rissolé dans un mélange de souffre et d'huile d'olive et lardé d'aiguilles et d'épingles, mais à sa grande surprise, il ne se couvrit pas de pustules. Il posa le morceau de foie sur la Grosse Paulina et le regarda avec gourmandise.
- C'est gentil de me donner à manger.
Et Farf, tout en continuant à surveiller la sindongmas, avala tout rond le foie de bœuf, sans même l'avoir débarrassé de ses aiguilles et ses épingles.
- Impossible ! C'est réputé infaillible contre les farfadets :
- Désolé, mais on dirait que Berbiguier s'est trompé !
- Merde !
Farf recommença à lancer des attaques comme un malade sur son adversaire qui fila avec une grâce reptilienne sur les murs et les plafonds. La chaîne fouettait ces derniers de partout, projetant des gerbes d'étincelles, mais la succube était trop rapide.
- Rhaaa, fait chier !
Rembobinant rapidement la chaîne de la Grosse Paulina, Farf courut derrière son adversaire qui se déplaçait incroyablement rapidement. Elle défonça la porte du harem et il ne la rattrapa pas avant la salle panoramique qui donnait sur l'espace. Une demi-douzaine d'elfettes en petite tenue s'y était réfugié, et prise de panique, couraient dans tous les sens en hurlant avec des cris stridents.
- Laisse mes copines tranquilles, salope !
La succube eut alors la mauvaise idée de lancer sur Farf une des longues aiguille de laque qui se trouvaient dans sa coiffure élaborée. Non seulement elle rata le ChouChouLandais, mais les elfettes s'arrêtèrent toute de paniquer en un instant et regardèrent la succube avec une expression soudain inquiétante.
- Touche pas à notre mascotte !
Et toutes griffes dehors, elles se jetèrent sur la sindongmas qui poussa un faible cri de surprise avant se retrouver noyée dans une mer d'ongles effilés. Du sang se mit à gicler un peu partout, aspergeant Farf et la salle panoramique de longues traînées rouge vif parsemées de petite taches. Lorsque la mêlée se dissipa, il ne restait plus grand chose de la succube tibétaine, en tout cas rien de reconnaissable. Farf contempla le résultat, admiratif. Il finit par demander à ses elfettes :
- Les filles, ça vous dirait de monter une équipe de rugby ?
Les diverses variétés de démons sexuels devaient décidément s'être donné rendez-vous sur le nouveau vaisseau ChouChouLandais, car deux incubes s'étaient introduits dans le harem de Ori. C'était cette fois un babuce et un alrune, tout deux particulièrement laids. Ori, armé de son étrange arme vivante qu'il s'était procuré quelques mois plus tôt, déboula pour protéger ses elfettes. Il avait récemment découvert que le nom de cette créature était "Hématosquille à poil ras" (Hématoscyllarus medicinalis). Il décocha aussitôt un nuage mortel de ses désormais fameux carreaux explosifs "parapluie". L'alliage d'argent et de platine béni par la Déesse était particulièrement efficace dans cette configuration et Ori avait fait un véritable massacre sur le chemin de ses quartiers.
- Enfoirés, je vais pas vous laisser vous en sortir comme ça !
Il décocha plusieurs tirs sur les démons, mais à sa grande surprise, les carreaux ne pénétrèrent pas leurs chairs corrompues mais ricochèrent à la surface et tombèrent au sol.
- Tu ne croyais tout de même pas nous avoir avec un gadget aussi ridicule.
- Les humains sont pitoyables.
- Et merde, fit Ori en se mettant précipitamment à l'abri tandis que les deux incubes projetaient des rafales de feu sur lui.
Ori vit que les elfettes et les autres pensionnaires du harem avaient été endormies par les deux démons pour les kidnapper plus facilement. Elle ne pouvait donc pas l'épauler comme les elfettes de Farf l'avaient fait. La partie était donc pas gagné d'avance. Quoique… Ori eut une idée qui lui fit adopter un sourire mauvais.
- Bon les mecs, vous m'avez bien mis en rogne en vous introduisant ici et en droguant mes copines. Mais bon, je vais la jouer cool et je vous laisse une chance de vous en sortir.
Les deux démons, bien évidemment, ne prirent pas au sérieux ces menaces et se contentèrent de ricaner de leur voix grasse et rustre, tout en lançant des vagues de feu dans la direction approximative d'où venait la voix.
- Tant pis pour vous…
Ori activa le camouflage de son armure de combat et se rapprocha à grande vitesse et dans un silence absolu de ses adversaires. Le fait que ces démons soient deux rustres bruyants allaient les trahir : sans cela, jamais Ori n'aurait pu s'approcher assez près des deux incubes sans se faire détecter par l'ouïe fine qu'ont généralement les démons. Ori demanda mentalement à son arme vivante de dresser tous ses piquants. Son bras droit devint alors semblable à un croisement entre un hérisson stressé et le cénobite Pinhead. Ori s'accroupit, puis lança un terrible uppercut dans le ventre du babuce. L'alliage à base de fer sécrété par la créature de Ori déchira les chairs du démon sans aucune pitié, transformant ses organes internes en hachis fin. Le babuce cracha du sang, puis tomba à genoux. Toute vie l'avait désormais déserté et ses yeux ne reflétaient plus que du vide. Il finit par tomber à terre, dans une mare de sang d'une couleur abominable.
- Enfoiré ! fit alors l'alrune. T'as tué mon pote.
Il recula un peu en voyant que les aiguilles de l'arme de Ori étaient devenues souples, et se tortillaient obscènement, comme si les le sang du démon leur apportait un plaisir indicible.
- C'est à tour…
Le démon vit le regard de Ori et son sang cessa de circuler pour être remplacé par de la terreur pure. Il tenta de fuir, mais s'était trop tard, il subit le même sort que son compagnon. La seule différence fut que le bras de Ori pénétra son corps par le dos.
Cependant, non loin de l'USS Yggdrasil, quelqu'un observait tous ces combats étranges avec le plus grand intérêt. Confortablement installée dans un sofa confortable parsemée de coussins et de soieries, elle sirotait nonchalamment un cocktail multicolore que son nouveau domestique, un grand avien au titre ronflant lui servait en grinçant du bec.
- Décidément, je ne me lasserais jamais de ce spectacle si mignon, dit Aphraelle.
- Mignon ? fit Vigo en regardant le spectacle de boucherie qui défilait sur les écrans géants. Ce n'est pas ce que je dirais…
- C'est ce qui fait la différence entre un mortel et une Déesse.
- Complètement folle… songea Vigo.
Ce dernier s'était retrouvé au service de la Déesse quand elle avait découvert le petit trafic de films de ChouChouLandais auquel il se livrait. Elle l'avait accusée de non-respect du copyright et avait réclamé une amende d'un montant astronomique. Ne pouvant payer, Aphraelle lui avait donné le choix entre devenir son domestique ou aller dans un camp de travailleur pour démons en réinsertion. Il avait vite fait son choix en voyant les photos du camp de travailleur
- Un autre cocktail ? demanda Vigo, voyant le verre de Aphraelle presque vide.
- Volontiers…
Tsunami était en pleine action, qui était retransmise sur écran géant avec le son 666.1 et le multiangle holographique. Faisant tourbillonner ses deux pelles à tartes dans tous les sens, il était engagé dans un combat très serré avec l'un des trois démons renégats. Du sang et des plumes volaient dans tous les sens, tant la danse mortelle des deux combattants étaient rapide.
- Ouille… fit Vigo en voyant un des bras de Tsunami détaché de son corps pour aller percuter une des caméras.
- Il s'en remettra, dit Aphraelle. C'est pas un membre important, un bras.
- J'ai peur de comprendre… dit Vigo.
Quoi qu'ai sous-entendu la déesse, le fait était vrai que Tsunami ne semblait pas se préoccuper d'avoir perdu un bras et continuait de se battre avec une passion ardente. Il avait prit une de ses pelles à tartes entre ses mâchoires pour remplacer son bras perdu.
- Joli, mon chou, commenta Aphraelle.
Tsunami infligea alors une terrible balafre à son ennemi, bien plus profonde que les précédentes égratignures qu'il avait réussies à lui faire. Le démon hurla comme un damné (ce qu'il était, en fait…) et devint complètement fou, perdant tout contrôle de lui-même. Il fonça à l'aveugle sur Tsunami, qui eut un sourire mauvais en voyant son adversaire baisser ainsi sa garde. Sans hésiter, il plongea chacune de ses deux lames dans un des deux cœurs du démon. Le métal béni paralysa le démon en s'insinuant dans ses chairs méphitiques. Tsunami enchaîna sans pitié, marmonnant un rituel de purification qui se propagea par ses deux armes et mit feu aux deux cœurs de son adversaire.
- Whaaaaaa !!! fit ce dernier, prit de terreur.
Ses chairs se carbonisaient peu à peu sous l'influence combinée du métal et du rituel. Seul le feu pouvait purifier un tel amas de corruption et il dévora avec gloutonnerie le corps tout entier du démon. Tsunami recula de quelques pas, rangea ses deux pelles à tartes en croix oblique dans son dos et dévisagea avec délectation la torche vivante qu'était devenue son adversaire. Il se tourna vers une des caméras divines et dirigea ses yeux droit où il savait que ce trouverait ceux de sa Déesse. Le vaisseau spatial hideux était en train de se disloquer autour de lui, mais il resta parfaitement calme.
- Etes vous satisfaite de votre serviteur, ô ma douce ?
- Plus que jamais, ô mon éternel Ange Majeur.
Vigo, en voyant cet échange verbal à distance, ne put s'empêcher de frissonner devant la beauté de cette folie destructrice. Le plus incroyable peut-être pour lui était le fait que Milvus et Soso se battissent avec la même passion si proche de la perte de la raison. Les êtres divins et semi-divins obéissaient décidément à une logique totalement étrangère à celle des simples mortels.
Tandis que les trois Anges Majeurs se coltinaient ainsi des enquiquineurs de première, les autres ChouChouLandais continuaient leur lente entreprise de dératisation de l'USS Yggdrasil. C'était une succession de combat simples et sans risques réels mais longs et fatiguants. Que ce soit un démon médian isolé ou des démons mineurs en groupes, les éliminer commençait à devenir vraiment lassant. Aucun des ChouChouLandais ne semblait voir la fin de cette besogne, malgré le fait que les démons étaient en quantité finie dans le vaisseau. Mais leur nombre initial était si grand qu'il s'en était caché dans les moindres recoins de la grande nef de métal béni.
- Putain, mais il font chier ces zombies ! rouspétait justement ChouChouBoy 1er.
Le ChouChou Suprême bien placé autour de son bras droit, il était en effet fort occupé à dégommer tout un tas de démons mineurs pas très intelligents. Le seul et unique but de tout ceci était de pouvoir accéder au démon bien plus puissant qui les manipulait. Il avait investi le hangar à navette, situé à l'avant du vaisseau, et semblait beaucoup s'amuser à lâcher ses sbires sur le président.
- Alors, froussard, tu attends que je massacre toutes tes misérables troupes avant de daigner me combattre !
- Je suis un démon. Je n'ai que faire de l'honneur et de la vie de mes sbires.
- Parfaitement méprisable. C'est parfait. Je n'aurais aucun scrupule à te torturer.
Et se déplaçant plus rapidement qu'il n'était humainement possible, tout en faisant feu de son artefact sacré sans discontinuer, il se rapprocha du démon tout en nettoyant méthodiquement le hangar de ses parasites. Une version décadente et moderne, avec des rythmes dissonants, de la divine neuvième symphonie se faisait entendre tandis que le président se livrait à un carnage sans nom. Son regard de psychotique, visible à travers l'inquiétant reflet de ses lunettes, offrait un vif contraste avec le visage serein du démon.
- Toutes les bonnes choses ont une fin… murmura-t-il lorsque que le dernier représentant de cette piétaille fut transformé en torche vivante par le ChouChou Suprême
Il se tourna lentement vers son ennemi dont la beauté du visage et la sympathie dégagée par son sourire était démenties par deux yeux d'un bleu d'acier. Des yeux de tueur, qui brillaient d'excitation à l'idée du combat qui s'annonçait. Les deux combattants, marchant lentement, se dévisageaient mutuellement comme deux loups de l'arctique prêts à se jeter l'un sur l'autre.
- Le moment est enfin venu… fit le démon.
Son visage de jeune éphèbe se déforma alors de façon horrible, laissant place au cylindre d'un canon froidement métallique qui sortit de sa bouche en repoussant les chairs alentours jusqu'à les mutiler. Il tira droit sur ChouChouBoy, mais ce dernier n'était déjà plus là. D'un bond prodigieux, il avait sauté sur le toit d'une navette et affichait un sourire moqueur pour narguer son adversaire.
- Trop lent !
Le démon continua à tirer, mais il était toujours trop lent d'une poussière de seconde. ChouChouBoy se rapprochait toujours de lui, souriant tranquillement.
- Ce n'est pas possible ! eut-il le temps de dire avant que ChouChouBoy ne se trouve trop près.
Les jambes légèrement fléchies, il avait son poing droit placé sous la mâchoire du démon et le regardait de bas en haut.
- Au revoir…
Et il tira. Le flux d'énergie divine sublima toute la partie avant de la tête, et en fit fondre une grande partie de l'arrière. Seul les vertèbres restèrent en place, dépassant de façon assez incongrue du moignon correspondant au cou. Le corps du démon tomba mollement au sol, et ChouChouBoy eut le sourire de celui qui vient de terminer un travail pour lequel il s'était appliqué.
- Bon ! On dirait que c'est fini par ici. Faut que je m'en trouve un autre à démantibuler !
Et il quittait le hangar, à la recherche d'une nouvelle victime. Il ne vit pas que depuis son garage à vaisseau, un Ewok le regardait avec des yeux jaloux.
- Un jour aussi, j'aurais mon psycho-gun ! murmura Kettch, tandis que le président devenait hors de vue.
Après avoir transformé en cancoillotte un tel nombre de démon qu'il en avait perdu le compte, Calimsha croyait pouvoir se reposer un peu. C'est pour cette raison qu'il se dirigea vers la Promenade et le bar de Tsunami. Mais il stoppa net en voyant que sa précieuse librairie SF était attaquée par une horde de démons ignés en train de faire une sarabande fort inquiétante. Calimsha frémit à l'idée d'un incendie chez lui.
- A mort ! beugla-t-il comme un fou en se précipitant sur les intrus.
Il entra en trombe dans sa boutique, brandissant son bâton de mage pour assommer les démons. Il ne pouvait pas déchaîner de rafales de magie de bataille ici, par peur d'abîmer ses livres, mais il se rattrapa en frappant avec férocité ses adversaires.
- Foi de technomancien, vous ne sortirez pas d'ici vivant.
Les démons, qui fort heureusement étaient trop bêtes pour prendre les livres ou les étagères en otages, se dispersèrent dans toute la boutique, se cachant entre les rayonnages. Mais Calimsha se contenta de sourire en voyant cette pitoyable tentative de se soustraire à son courroux. Il murmura un sort de détection et il vit précisément la localisation de chacun des parasites.
- Je vous tiens, petits sacripants.
Il se glissa entre les rayonnages surchargés et labyrinthiques, surgissant devant chaque démon pour le désintégrer à bout portant avec son bâton de mage. Les petits cris paniqués de ses victimes parvenaient aux oreilles de ceux qui étaient encore cachés, les faisant trembler de peur comme de la gélatine.
- Petits petits petits… Où vous cachez-vous ?
Cependant, un des démons, moins froussard que les autres, eut le courage incroyable de faire un croc-en-jambe au technomancien tandis qu'il se dirigeait vers une de ses victimes. Calimsha s'étala de tout son long contre un rayonnage et toute une rangée d'exemplaires du Guide Galactique, en équilibre précaire, vint s'effondrer sur lui, le submergeant d'une petite montagne de papier. Il se releva le crâne plein de bosses et la bouche pleine d'injures.
- Bande de bâtards de mes deux ! Je vais vous transformer en porridge !
Oubliant les risques d'incendie, il se mit à poursuivre les démons tout en déchaînant sa magie de contrebande sans retenue. Les intrus fuirent à toutes jambes, complètement paniqués devant cette colère entropiste. Personne ne regardait où il allait et il se passa un certain temps avant que quelqu'un ne s'aperçoive que le décor avait quelque peu changé. Les étagères étaient moins droites, plus vermoulues et faite d'un bois venant de mondes ou plus aucun arbre ne poussait depuis longtemps. Les livres avaient tout d'un coup l'air bien plus vieux, écrits dans des langues oubliées depuis des millénaires, et il émanait d'eux une aura magique peu rassurante.
- Merde, je suis con ! Je suis entré dans l'espace B sans regarder où j'allais.
L'espace B était un lieu immense et dangereux ou seul un fou irait sans précautions extrêmes pour ne pas s'y perdre. Mais Calimsha était un ChouChouLandais et correspondait bien, comme ses concitoyens, à la définition de "fou". Il ne fallait donc pas s'étonner qu'il se retrouve dans ce pétrin.
- Bon, voyons un peu où je suis.
Il tourna quelques minutes pour essayer de se repérer, mais à son grand désappointement, il ne reconnaissait aucun des rayonnages et des couloirs qu'il traversait. Il commençait à reconnaître intérieurement qu'il était totalement perdu quand un bruit étrange se fit entendre derrière lui. C'était probablement quelqu'un, mais le bruit ne semblait pas humain. De la sueur apparut sur son front. Certains recoins de l'espace B était mal fréquentés. Très mal fréquentés, même pour un puissant mage entropiste et technomancien comme lui. Il se retourna brusquement, pointant son bâton vers l'endroit d'où venait le bruit.
- Oook ! fit le nouveau venu.
- C'est ça, fous-toi de ma gueule !
Cependant, à bord des vaisseaux Papèsiens et Qlo'o'us, les officiers supérieurs de ces deux peuples suivaient avec quelque inquiétude l'évolution des choses. La Déesse Aphraelle leur avait permis, dans sa grande bonté, de suivre les batailles en cours dans l'USS Yggdrasil et dans les trois vaisseaux mondes hideux. Le tout contre quelques contrats de conversion en masse au culte de la Carpette Indienne, bien entendu, mais ils n'avaient pas encore totalement réalisé les implications de leurs actes.
- Que faisons-nous Amiral ? demanda un officier Papèsien.
- On prie… Seul un miracle peut nous sauver de toute cette folie.
- …
Devant tant de ferveur, Aphraelle dut être satisfaite, car un messager, l'officier ingénieur en chef, apparut sur la passerelle et vint annoncer :
- La propulsion hyperspatiale est réparée, Amiral. Nous n'avons cependant toujours aucune mobilité subluminique.
- Nous allons donc rentrer chez nous comme des canards boiteux et nous couvrir de ridicule.
- Oui Amiral… fit l'ingénieur en chef, le moral à zéro.
- Bien. Préparez le saut pour rentrer chez nous.
- Amiral ?
- Vous m'avez bien entendu. Ma décision est prise.
- Il ne nous reste donc aucun espoir ?
- Si…
Et il pointa du doigt une caisse portant des inscriptions étranges.
- La moquette… Nous devons convertir notre peuple à ce glorieux présent divin. C'est notre seul moyen de revenir en héros…
- Amiral… firent d'une seule voix les officiers présents, les larmes aux yeux.
La même scène (à quelques variations aquatiques près) dut se passer sur les vaisseaux Qlo'o'us, car les deux flottes sautèrent dans l'hyperespace avec une simultanéité remarquable, surtout si elle n'était pas voulue.
Un des systèmes cruciaux de l'USS Yggdrasil était sans aucun tout le complexe de propulsion hyperluminique. Le fait qu'il soit capable d'utiliser toute une variété de technologies interstellaires ne faisait qu'ajouter à l'effroyable complexité de cette partie du vaisseau. Des câbles et des tuyaux pendaient dans tous les sens, connectant des machines à l'apparence improbables et au nom imprononçable. Des restes momifiés de néo-silencieux perdus jalonnaient à intervalles réguliers les coursives obscures et tortueuses au sol glissant. Mais Pavel n'avait guère d'inquiétude sur ses capacités à s'y retrouver. Il poursuivait donc un groupe de démons, des hybrides de cabires et de gobelins, qui avait décider d'y nidifier. Ces saloperies allaient ronger tous les câbles pour faire leur nid et risquaient ainsi de tout faire sauter.
- Venez ici mes mignons, roucoulait Pavel pour les amadouer.
Mais avec son Uzi dans les mains, il était assez effrayant, et les démons, bêtes mais pas fous, se planquaient bien.
- Vous ne m'échapperez pas comme ça !
Il finit par tomber nez à nez avec un démon grassouillet et terrorisé, qu'il fixa intensément, tout en prononçant la formule ravageuse :
- Elda Taluta !
- Sarkus Sark… fit le démon, en ouvrant des yeux ronds et vides.
- Ark Arkus… conclut Pavel avec un sourire de satisfaction sadique.
Le démon, qui avait tout à coup l'air d'être constipé, tituba comme un ivrogne et se cogna à un mur. Puis il devint bleu, puis rouge, et finit par tomber raide mort
- Ça marche, je le savais ! La magie Beetrainienne peut venir à bout de ses démons.
Il sortit trois livres d'une de ses poches et les brandit au-dessus de lui en hurlant des paroles étranges.
- Je vais tous vous transformer en pastas ! Mouhahahahahaha !
- Fuyons, mes frères ! hurla un démon.
Mais la folie de Pavel ne pouvait plus s'arrêter, et sortant son Uzi, il dégomma tous les démons les uns après les autres, les transformant tous en plats de pastas fort appétissant pour quelqu'un qui n'aurait su leur provenance. Il était en pleine transe mystique et il ramassa un plat de pastas tout en se tournant vers deux interlocutrices invisibles.
- Eleanor ! Maggie-chan ! Regardez ce que je vous apporte pour le dîner !
Il le brandit au-dessus de sa tête et continua dans la même veine :
- Ce monde est faussé ! C'est une fausse réalité ! Ce qui est réel est en nous ! En nous résident des illusions de notre cœur ! Notre cœur est le monde !
Il finit par arracher une feuille à chacun de ses trois livres, les roula ensemble et commença à les fumer. Il tomba raide sur le plancher en quelques secondes sans même se rendre compte qu'il avait eut l'honneur d'achever le dernier démon squatteur.
Malgré le nombre assez déraisonnable de démons qui avaient envahi le vaisseau, les ChouChouLandais avaient donc fini par en exterminer la quasi-totalité. Seul la poignée qui s'était échapper par l'espace B était encore en vie. Mais ça n'avait pas été tout seul et en conséquence ils étaient fort fatigués. Sans même se concerter, ils se retrouvèrent tous peu à peu réunis dans les divers bars et tavernes de la Promenade : le Fût sans fond de T-Citron, le Veuillez faire l'appoint de Tsunami, l'Eléphant qui barrique, Le Thé Ktonik, etc. Il y avait aussi quelques-uns des néo-silencieux, mais beaucoup avaient hélas péri au cours des combats. Le geek-otaku-roliste-gamer-etc… moyen n'était pas forcément prêt à combattre des démons réels. Les survivants n'en étaient que plus motivés pour faire une nouba à tout casser. Chacun racontait à ses voisins ses exploits du jour sans écouter les exploits des autres, résultant en une belle cacophonie et la satisfaction générale des taverniers. De nombreuses conversations sans queue ni têtes se déroulaient donc simultanément :
- Et alors là, je me retrouve face à cinq balrogs souffrant de rage de dents carabinée. Mais je me suis pas débiné, j'en ai attrapé un par la queue et je m'en suit servi comme fouet pour latter les quatre autres. Si t'avait vu comme ils ont morflés, ô bonne mère, qu'a coté de ça, même une dérouillée du PSG, c'est rien !
- Ouais, c'est ça, et moi je me nomme Vahid ! Je parie que tes balrogs, ils faisaient 1m20 de hauts et ils étaient tout vert. Si t'es capable de tuer un démon plus fort qu'un gobelin, je jure de bouffer ma collection de cartes magic !
- Ça a pas de queue, un gobelin !
- Par contre ça a très souvent des rages de dents ! Ce qui collerait bien avec tes racontards.
- Les balrogs aussi ça a des rages de dents !
- Pourquoi ? T'es dentiste ? Tu en reçois souvent dans ton cabinet.
- Ça doit pas être facile à soigner, intervint un troisième personnage.
- Hein ?
- Un balrog… Comment on peut le faire asseoir sur un fauteuil de dentiste sans le faire cramer ?
- Le balrog ?
- Mais non, patate, le fauteuil !
- Ben je suppose que les dentistes pour balrogs ont des fauteuils spéciaux…
Pendant que la quasi-totalité de l'équipage, officiers comme néo-silencieux, faisait la fête avec un si bel enthousiasme, un endroit du vaisseau était désespérément désert. Ce qui était bien dommage, car un petit bouton rouge y clignotait frénétiquement, en émettant des bip-bips paniqués. Cet endroit, c'était la passerelle, et ce bouton, c'était celui de l'alarme anti-collision. Les ChouChouLandais ayant quitté précipitamment la passerelle pour aller casser du démon, ils n'avaient même pas pris le temps de brancher le pilote automatique. Le résultat ne se fit pas attendre : le puissant USS Yggdrasil, fierté du ChouChouLand, plus puissant vaisseau actuellement opérationnel de la galaxie, alla lamentablement s'échouer sur un astéroïde ferreux, bousillant au passage toute la peinture de la coque. Le choc fut distinctement ressenti par les fêtards, qui tombèrent au sol avec leurs boissons.
- Putain ! C'est quoi ce bordel ! gueulèrent ceux dont le verre était plein au moment de l'impact.
Mais comme rien ne se passa par la suite, les festivités continuèrent sans que quiconque ne cherche à savoir ce qui s'était passé.
A bord de son vaisseau personnel, le Montagne de Patates Douces, Aphraelle contemplait avec moulte satisfaction la déroute des divers démons qui s'étaient incrustés dans la bataille. Ses trois Anges Majeurs venaient tout juste de revenir de la bataille et faisaient leur rapport.
- On a finit de buter ces enculés, patronnes.
- C'est bien, mon Soso, mais ton langage me semble quelque peu dériver.
- Désolé, patronne… C'est le contre coup de la baston.
Les trois anges, un genou à terre en signe de respect à leur Déesse, n'étaient guère présentables. Zébrés de blessures plus ou moins profondes, dont beaucoup saignaient encore, ils étaient en outre recouverts de divers fluides corporels aux couleurs et aux odeurs peu engageantes. Mais c'était l'apparence des vainqueurs et Aphraelle s'en réjouissait. Vigo de son coté priait pour que Aphraelle n'ait jamais la fantaisie de le nommer Ange Majeur.
- Je vous félicite, ô mes Chevaliers Célestes. Je suis fière de vous.
Et la Déesse improvisa une petite cérémonie de remise de médailles. On pouvait voir distinctement au loin les trois vaisseaux-mondes des Démons Majeurs déchus, qui venaient de se faire si bien zigouiller, en train de s'écraser les uns sur les autres. Ils étaient déjà dans un triste état depuis la mort de leurs propriétaires respectifs, secoués de multiples explosions mineures (à l'échelle d'un vaisseau-monde), mais cette collision titanesque les acheva. Une immense boule de plasma se forma, les engloutissant à tout jamais et se propageant rapidement dans l'espace local. L'USS Yggdrasil lui même fut engloutit, et ne dut sa survie qu'a son statut de technologie de classe V. Si les flottes de Papès et de Qlo'o'u n'avaient pas fuit toute cette folie, nul doute qu'elles aussi auraient été transformées en néant.
- Mais qu'est-ce que je fous ici ? ne put s'empêcher de penser en boucle Vigo en voyant toute la scène.
L'amiral Milvus, après avoir brandi son katana au-dessus du Grand Consort de Papès, le posa délicatement sur l'épaule du Papèsien. Ce dernier, ne connaissant que trop bien la qualité de ce sabre, et les talents de Milvus, serra les dents.
- Je suis heureux de vous accueillir au sein de notre alliance. Je me réjouis vivement que les complots de ceux qui œuvre dans l'ombre n'aient pas réussi à déchirer nos deux peuples.
Milvus et les autres ChouChouLandais se détendirent alors et invitèrent les Papèsiens à un buffet diplomatique fort bien garni, à la grande surprise des Papèsiens.
- Je suis vivant ? laissa échapper le Grand Consort, perdant son habituelle maîtrise de lui-même.
- A première vue, oui, fit Homère qui était en train de le scanner au tricordeur pour sa collection personnelle de données xénobiologiques.
Les Papèsiens ne pouvait s'empêcher d'avoir une grosse boule au fond de la gorge. Ils ne comprenaient absolument pas les actions des ChouChouLandais. Un instant ils se comportaient comme de redoutables sauvages sanguinaires assoiffés de conquêtes et de sang, et la minute suivante, ils se comportaient comme de pacifiques diplomates décadents incapables de faire du mal à une mouche. Et ils semblaient prendre un malin plaisir à brouiller les pistes et à passer d'un rôle à l'autre.
- A votre avis, Amiral, demanda le Grand Consort à un de ses officiers, comment va-t-on finir ?
- Honnêtement, je pense qu'ils vont nous envahir, mais pas de façon militaire.
- Ah bon ? Qu'entendez-vous par-là ?
- Avant un an tous nos concitoyens fumeront de la moquette et ce sera notre principale importation.
- C'est horrible !
- Je ne vous le fait pas dire. Ils vont nous tenir par les couilles !
Et pour se consoler, ils se jetèrent tous deux sur le buffet, piquant plusieurs plats de petits fours pour aller les manger dans un coin, vautrés sur de confortables fauteuils et en fumant de la moquette de grand cru. En très peu de temps, ils furent complètement abrutis, oubliant tous leurs soucis. De temps en temps, un ChouChouLandais passait au hasard de ses pérégrinations de buffet et arborait un sourire inquiétant en les voyant.
L'ambiance était de toute façon à la fête dans tout le vaisseau. Sur la passerelle, dans les salons diplomatiques, dans les quartiers de l'équipage, sur la Promenade, on trouvait des gens en train de boire, manger, fumer, entre autres activités. Terriens, humains d'autres mondes du secteur de Sirius, Papèsiens, Qlo'o'us, tout le monde se mélangeait joyeusement, oubliant les conflits pour lesquels ils étaient près à s'entre-tuer quelques semaines plus tôt. Le nouvel an approchant, la nouba n'était pas prête de s'arrêter et promettait de durer au moins une semaine non-stop.
La fiesta finit bien par se terminer et courant janvier, la conférence diplomatique des mondes de Sirius put enfin reprendre. Néanmoins, l'ambiance avait fortement changé depuis sa première incarnation. L'attaque des Papèsiens et des Qlo'o'us avait convaincu tout le monde de la nécessité d'une alliance commerciale et militaire. Toute autre question était passé à la trappe et on avait décidé d'un commun accord que les questions telles que l'égalité des sexes, de la démocratie ou les droits de l'homme étaient entièrement à la discrétion des gouvernements locaux. En fait le Temple de la Carpette Indienne s'installait en douce un peu partout et allait se mêler de ceci, mais c'est une autre histoire
Cette grande simplification des enjeux ne signifiait pas pour autant que toutes les décisions étaient prises aisément. La nature des accords était fortement différente selon les niveaux technologiques et magiques des nations. C'était une question de bon sens, les nations utilisant une grande quantité de magie ne pouvait être confondues avec celles disposant de technologie de classe IV. Les quinze chefs d'états (ou leur délégué) de ces dernières s'étaient donc réunis en comité restreint. Il y avait là Procyon, Sirius, Tergulia, Naboo, et bien d'autres…
- Messieurs, fit ChouChouBoy, voici la liste des vaisseaux qui seront attribués à chacun d'entre vous, approuvée par la Déesse.
Les quatorze personnes concernées lurent leur copie du texte, certains ravis, d'autres mécontents. Mais ChouChouBoy le prévoyait et reprit la parole avant que quiconque ne proteste.
- Je suis conscient que vous auriez tous aimés avoir des vaisseaux de classe Yggdrasil. Mais la Déesse considère que l'humanité n'est pas encore prête pour en avoir plusieurs.
- Dépendre des lubies d'une déesse… grogna quelqu'un
- Notez bien, continua ChouChouBoy, que vous aurez tous au moins un vaisseau de classe Quercus, ainsi que de nombreux vaisseaux de classe Corylus. Sans compter les Syuks… Tous sont des technologies de classe V et les vaisseaux sortent à peine de nos chantiers navals. Ils ne sont même pas encore en service chez nous. Dois-je rappeler l'aubaine qui se présente à vous ? Si l'humanité n'avait pas tant besoin d'une flotte spatiale, nous ne vous les aurions jamais vendus.
- A prix d'or !
- Ne dites pas de bêtises. Ils vont vous coûter bien moins cher que les vaisseaux de classe IV que vous auriez pu acheter aux galactiques.
- Et quelles garanties avons-nous que les nations ayant le plus de vaisseaux ne vont pas en profiter pour s'agrandir ? demanda le chef de la délégation du monde recevant le plus petit nombre de vaisseau.
- Vous avez du mal lire ce texte. Aucun de ces vaisseaux ne peut servir à régler des conflits internes. En fait, ils ne sont en temps normal que des vaisseaux de classe IV. À l'exception de la maintenance automatique, tous les systèmes de classe V sont en dormance.
- Ah bon ?
- Oui. Leur activation ne peut avoir lieu que pour protéger le secteur de Sirius ou pour agrandir pacifiquement son aire d'influence. Il n'y aura jamais de guerre meurtrière provoqué par ces vaisseaux !
- des technologies qui répondent à nos motivations. Tout ceci me dépasse un peu… fit un délégué.
- Ce n'est pas surprenant. Je pourrais dire la même chose. C'est pour cette raison que la Déesse freine encore le processus, malgré l'urgence de la situation. Sans la menace xyvagagarienne, nous tous aurions du attendre, ChouChouLand inclus, des siècles avant d'avoir de tels vaisseaux.
Et il conclut avec un sourire carnassier qui coupa toute envie à quiconque de faire une nouvelle objection. La réunion se termina donc ainsi, chacun finissant par admettre intérieurement qu'il en sortait bien plus gagnant que perdant. ChouChouBoy de son coté alla rejoindre quelques ChouChouLandais hauts placés pour les informer du succès de la réunion.
- Tout marche comme prévu, leur dit-il. Nous pouvons considérer que le point de non-retour a été franchi.